Retour sur l’ouvrage: »Breastfeeding doesn’t need to suck » de la psychologue et consultante en lactation Kathleen Kendall-Tackett.
Ce livre en anglais date de 2022, il a été écrit par une psychologue et une consultante en lactation, auteur de nombreux ouvrages et articles sur le thème de l’allaitement et des traumatismes psychologiques.
Les premiers chapitres sont consacrés au thème de l’allaitement , de la santé mentale, et de l’attachement : l’auteur met en avant que l’allaitement est une façon de promouvoir un attachement sécure (mais pas la seule façon).
Elle décrit également les sentiments que peut éprouver une nouvelle mère : Impression d’inactivité, d’isolement, d’incompétence, de perte d’identité, et d’intensité. Elle propose des stratégies pour mieux gérer cette période intense : s’habiller chaque jour, porter son bébé en porte-bébé par exemple. Elle explique également les mécanismes neurologiques en jeu après l’accouchement: c’est le cerveau de droite (celui de l’émotion, de l’intuition, de la créativité) qui est le plus actif chez la mère qui vient d’accoucher et non le cerveau de gauche (celui de la logique, des analyses). C’est le cerveau droit qui nous aide à former des liens d’attachement. Elle explique qu’une nouvelle mère peut avoir l’impression d’être dans un brouillard et que son cerveau ne fonctionne plus : en fait c’est surtout parce que le cerveau droit a pris le contrôle afin de créer des liens avec le bébé.
L’auteur explique le pouvoir de l’allaitement pour diminuer les mécanismes de stress physiologique : l’ocytocine est capable de diminuer le stress et l’auteur explique différentes études où l’on peut observer cet effet: amélioration du sommeil, diminution des signes de depression chez les mères allaitantes . Mais il y a également des bénéfices à long terme grâce à la diminution de l’inflammation liée au stress : diminution des risques cardiaques et du diabète de type 2 par exemple.
Les chapitres suivants sont plus classiques : ils concernent l’allaitement, la, production de lait, les positions, les difficultés les plus fréquentes: il y a des QR code permettant de visionner des vidéos ce qui rend ce chapitre assez vivant.
Puis l’auteur détaille un chapitre extrêmement intéressant sur le sommeil et l’allaitement la nuit, où elle explique différentes études (dont certaines qu’elle a réalisées). Globalement, elle explique que les mères qui allaitent dorment plus, ont moins de symptômes de dépression. Elle explique également toutes les conditions de sécurité pour le partage de la surface de sommeil et pour la prévention de la mort inattendue du nourrisson. Elle explique enfin comment trouver du soutien pour l’allaitement et le rôle de la consultante en lactation .
A nouveau, le dernier chapitre est dédié à la santé mentale des mères avec un focus sur les émotions lors du post-partum et le réflexe d’éjection dysphorique, également un chapitre sur l’allaitement après une expérience traumatique d’accouchement, et un chapitre sur l’allaitement après des traumatismes dans l’enfance ou des violences à l’âge adulte. Elle explique qu’en diminuant les mécanismes de stress via l’ocytocine, l’allaitement peut contribuer à surmonter les symptômes associés à ces traumatismes. Les études montrent que chez les mères allaitantes ayant été victimes de traumatismes: il y a une diminution des sentiments de colère et d’irritabilité chez la mère, et diminution des risques de maltraitance et de négligence chez l’enfant.
Comme le rappelle l’auteur, l’allaitement n’est qu’une façon de créer une relation d’attachement sécure, et les mères qui n’allaitent pas peuvent aussi bien créer ce lien en répondant aux besoins de leur bébé par le portage, les massages, les jeux.
Et évidemment les difficultés d’allaitement peuvent également être difficiles à vivre émotionnellement, c’est pourquoi un soutien approprié par des professionnels formés est fondamental.
Loin des thèses féministes franco-françaises diffusées par nos médias où l’allaitement est décrit comme un esclavagisme des mères, et où les journalistes attisent la guerre biberon-sein (dont aucune mère n’a besoin) , ce livre met en perspective le rôle de l’allaitement sur la santé mentale de la mère et l’impact de l’allaitement sur la relation d’attachement. Alors qu’on propose souvent à une mère dépressive d’arrêter l’allaitement, il s’agit parfois de la seule façon que cette mère a de créer le lien avec son bébé.
Ces thèmes, qui sont très importants, sont peu abordés en France où l’on se focalise sur les qualités nutritionnelles et immunitaires du lait maternel et où on occulte le lien fondamental que l’allaitement contribue à tisser entre la mère et l’enfant. Dans une société où violence et agressivité sont devenus prépondérants au quotidien, chaque mère qui allaite contribue à rompre ce cercle vicieux de l’agressivité et des violences.
Au delà de la promotion de l’importance des 1000 premiers jours de l’enfant, les parents ont besoin d’une politique de périnatalité permettant la construction de ce lien , avec un congé maternité décent, et un véritable soutien de l’allaitement maternel avec une reconnaissance des professionnels de la lactation.
Rédaction par Elise Armoiry, Consultante en Lactation IBCLC, Dr en Pharmacie
- Cet ouvrage est disponible gratuitement sur demande au CERDAM pour les adhérent·es de l’association. (prêt à distance possible)
Mots clés : 1000 jours, attachement, depression du post-partum, lien mère enfant (attachement), politique de santé, reflexe d'ejection dysphorique, traumatisme