Le lait maternel et la prévention de la mort subite du nourrisson : la piste de la caféine
Une récente étude publiée dans le Journal of Perinatology explore une hypothèse innovante : la caféine, connue pour ses effets stimulants sur la respiration, pourrait jouer un rôle protecteur contre la mort subite du nourrisson (MSN). En se concentrant sur les effets de l’hypoxie intermittente — un manque répété d’oxygène souvent observé chez les nourrissons à risque — les auteurs suggèrent que la caféine, notamment transmise par le lait maternel, pourrait améliorer la stabilité respiratoire et ainsi réduire le risque de MSN.
La mort subite du nourrisson (MSN) demeure l’une des principales causes de mortalité infantile dans le monde, touchant principalement les bébés entre 1 et 6 mois. Malgré des campagnes de prévention axées sur la position de couchage et l’environnement de sommeil, les causes profondes de ce phénomène restent partiellement élucidées. Une hypothèse émergente met en lumière un mécanisme central : l’hypoxie intermittente, une forme de manque d’oxygène répété, comme principal facteur déclencheur de la MSN.
Dans ce contexte, le lait maternel pourrait jouer un rôle protecteur inattendu, via sa teneur en caféine.
La caféine : un protecteur respiratoire ?
La caféine est un stimulant respiratoire bien connu, largement utilisé pour traiter les apnées chez les prématurés. Elle agit en bloquant les récepteurs de l’adénosine, favorisant ainsi l’éveil, la ventilation et la stabilité du rythme respiratoire. Plusieurs études ont montré que la caféine réduit les épisodes d’hypoxie, préserve le développement de la substance blanche cérébrale et améliore la capacité de récupération après une privation d’oxygène.
Transfert de caféine via l’allaitement
Après ingestion, la caféine passe rapidement dans le lait maternel. Les études montrent que :
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Les concentrations dans le lait atteignent leur pic entre 0,75 et 2 heures après ingestion par la mère.
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La concentration moyenne dans le lait maternel est d’environ 80 % de celle du plasma maternel.
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Chez des mères consommant jusqu’à 750 mg de caféine par jour, les niveaux de caféine dans le lait restaient mesurables, et la caféine était détectable dans le sang des nourrissons allaités même plusieurs jours après arrêt de la consommation maternelle.
Ces résultats suggèrent que les nourrissons allaités reçoivent bien une dose mesurable de caféine, ce qui pourrait avoir un effet protecteur contre les apnées et l’hypoxie, et donc, potentiellement, contre la MSN.
Allaitement et MSN : un lien possible avec la caféine ?
L’allaitement est connu pour réduire significativement le risque de MSN. Jusqu’ici, ce bénéfice était attribué à des facteurs immunitaires ou comportementaux. Toutefois, cette étude avance une hypothèse pharmacologique originale : la présence de caféine dans le lait maternel pourrait renforcer la stabilité respiratoire du nourrisson, améliorer son éveil en cas de stress hypoxique et favoriser la récupération.
Précautions et limites
Cependant, les auteurs soulignent que cette hypothèse, bien que prometteuse, nécessite des études supplémentaires avant d’envisager toute recommandation. La caféine, bien que considérée comme sûre en allaitement à doses modérées, peut causer chez certains nourrissons irritabilité, troubles du sommeil ou agitation.
Conclusion
Cette étude propose une piste innovante : la caféine présente dans le lait maternel pourrait partiellement expliquer l’effet protecteur de l’allaitement contre la MSN. Si cette hypothèse est confirmée, elle pourrait ouvrir la voie à de nouvelles stratégies préventives, ciblées et sécurisées.