Allaitement au-delà de 2 ans : une étude britannique met en lumière les expériences et défis des mères
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, puis poursuivi jusqu’à 2 ans et au-delà, en complément de l’alimentation solide.
Pourtant, au Royaume-Uni, moins de 1 % des mères allaitent au-delà d’un an, et les données sur les allaitements prolongés restent rares.
L’étude qualitative menée par Joelle Morgan, Sara Jones et Amy Brown (Université de Swansea, Royaume-Uni) explore pour la première fois les expériences de femmes allaitant un enfant de plus de 2 ans, dans un contexte culturel où cette pratique est souvent marginalisée.
Méthodologie
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Type d’étude : recherche qualitative exploratoire.
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Participants : 12 mères britanniques ayant allaité un enfant au-delà de 2 ans (jusqu’à près de 5 ans).
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Recueil des données : entretiens semi-dirigés réalisés par visioconférence ou téléphone.
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Analyse : approche thématique selon Braun et Clarke (2006, 2020).
Les chercheuses ont identifié six thèmes principaux décrivant la signification, les bénéfices et les difficultés associées à l’allaitement prolongé.
Principaux résultats
Les participantes décrivent l’allaitement au long cours comme un outil central de leur parentalité. Il favorise la proximité, la gestion des émotions de l’enfant et s’intègre dans une approche de parentalité bienveillante ou d’attachement.
Pour ces mères, le sein n’est pas seulement une source de nutrition, mais aussi un moyen de réconfort, de lien et de communication émotionnelle.
Des bénéfices physiques et psychologiques reconnus
Toutes les femmes soulignent la valeur nutritionnelle et immunitaire persistante du lait maternel après 2 ans.
Certaines évoquent des bénéfices pour la santé maternelle (réduction du risque de cancers, bien-être psychique) et un effet protecteur sur leur humeur.
Plusieurs participantes décrivent une détérioration de leur moral après le sevrage, illustrant l’importance hormonale et émotionnelle de la lactation prolongée.
Un manque d’information et de soutien professionnel
La plupart n’avaient pas prévu d’allaiter aussi longtemps. Leur décision s’est consolidée au fil du temps, souvent grâce à l’accès à des ressources en ligne et à des groupes de soutien sur les réseaux sociaux.
Ces communautés virtuelles ont permis de normaliser l’allaitement prolongé et de compenser l’absence d’informations fiables de la part des professionnels de santé.
Une volonté de “normaliser” l’allaitement prolongé
Beaucoup de participantes expriment une responsabilité sociale : rendre visible et acceptable l’allaitement d’un enfant plus âgé.
Certaines se considèrent comme des modèles positifs pour d’autres femmes et souhaitent contribuer à un changement culturel.
Le poids de la stigmatisation
Toutes rapportent avoir été confrontées à des jugements sociaux : regards désapprobateurs, moqueries ou pressions familiales pour arrêter.
Certaines évoquent des commentaires déplacés de professionnels de santé, voire des prescriptions médicales conditionnées à l’arrêt de l’allaitement.
Cette stigmatisation conduit plusieurs mères à cacher leur allaitement ou à éviter d’allaiter en public.
L’allaitement prolongé est perçu comme “étrange” ou “inutile” dès lors que l’enfant marche ou parle.
Le sevrage et la question de l’autonomie corporelle
Les mères décrivent un mélange d’attachement et de lassitude.
Elles souhaitent souvent que l’enfant décide du sevrage, tout en éprouvant parfois le besoin de “retrouver leur corps”.
Certaines mentionnent des sensations d’aversion ou de saturation physique, phénomène encore peu étudié.
Le sevrage est décrit comme progressif, émotionnellement complexe, et rarement accompagné par le système de santé.
Enseignements pour la pratique
Cette étude révèle un décalage entre les recommandations de santé publique et la réalité du soutien apporté aux mères.
Les auteurs soulignent plusieurs pistes d’action pour les professionnels :
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Reconnaître et valoriser la poursuite de l’allaitement au-delà de 2 ans comme un choix légitime et bénéfique.
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Mettre à jour les connaissances médicales sur les aspects nutritionnels et pharmacologiques (compatibilité des médicaments avec l’allaitement).
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Offrir un accompagnement non stigmatisant à toutes les étapes, y compris lors du sevrage.
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Inclure l’allaitement prolongé dans les formations des médecins, sages-femmes et infirmiers.
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Encourager la visibilité médiatique positive de l’allaitement des enfants plus âgés, afin de modifier les normes sociales.
Conclusion
L’allaitement au-delà de 2 ans reste marginal au Royaume-Uni, mais il apporte des bénéfices physiques, psychologiques et relationnels durables.
Les femmes concernées décrivent une expérience à la fois épanouissante et isolante, marquée par le manque de reconnaissance institutionnelle.
Les auteurs plaident pour que le soutien à l’allaitement ne s’arrête pas à la première année de vie, mais accompagne les mères aussi longtemps qu’elles choisissent de poursuivre.
Référence
Morgan J., Jones S., Brown A. (2025). Exploring the Experiences and Challenges of Breastfeeding Beyond 2 Years in the United Kingdom: A Qualitative Study.
Maternal & Child Nutrition, e70072.
Mots clés : 2 ans et plus, allaitement, allaitement long, recommandations

Magnet de conservation du lait maternel 