Avis du Haut Conseil de la Santé Publique sur l’évaluation des risques sanitaires de l’allaitement
Ce mardi 24 septembre à Paris s’est tenue la matinée d’échange Santé et Allaitement maternelle organisée par la Direction Générale de la Santé. Notre équipe était présente pour échanger à propos des bénéfices et préoccupations sanitaires du lait humain.
Suite aux résultats de l’étude de l’alimentation totale infantile (EATi) – étude portant sur l’Exposition Risques Sanitaires (ERS) des enfants inferieur à trois ans non allaités- de 2016 par l’Anses, et de l’étude CONTA-LAIT – ERS des enfants inferieurs à six mois allaités- , deux avis de l’Anses ont été restitué ce mardi 24 septembre lors de la matinée d’échange santé et allaitement maternel organisée par la Direction Générale de la Santé. La sortie des résultats de l’étude EPIFANE 2021 par Santé Publique France sont venus compléter l’évaluation des enjeux sanitaires et les bénéfices nutritionnels de l’allaitement maternel réalisé par l’Anses. Suite à cela, le Haut Conseil de la Santé Publique a été mandaté pour élaboré un avis complet sur l’allaitement maternel. Retrouver ici le rapport et sa synthèse.
La balance bénéfices/risques sanitaires de l’allaitement, ce que dit le HCSP
La synthèse commence par rappeler les bénéfices de l’allaitement maternel en s’appuyant sur les preuves scientifiques. Des bénéfices qui, rappelons le, concernent les aspects tant immunologiques, anti-infectieux et développementaux de l’enfant mais également les bénéfices pour la mère et plus largement, pour la société. Pour n’en citer que quelques uns :
- réduction de la Mort Inattendue du Nourrisson
- protection contre les gastroentérites, les otites moyennes aiguës, les infections respiratoires basses
- l’effet positif de l’allaitement sur le développement cognitif et sur les scores de neurodéveloppement
- diminution du cancer du sein chez la personne allaitante
- les bénéfices environnementaux …
Le rapport continue en soulevant les expositions environnementales et alimentaires des femmes avant, pendant le grossesse et l’allaitement. Les études sont insuffisantes et à compléter concernant les expositions professionnelles en France des personnes enceintes et allaitantes. L’enquête Conta-Lait a mis en évidence onze substances présentées comme ayant un risque sanitaires dits « préoccupants ». Le rapport souligne cependant que les dosages se trouvent dans la fourchette basses des dosages rapportés par différentes pays. Il rappel également que les teneurs en POPs (Composées organiques persistants) dans le lait maternel sont en diminution dans 90 pays et que l’avis de l’Anses comprend des incertitudes.
« La présence de ces polluants organiques doivent engager des politiques publiques de prévention visant à réduire l’exposition aux polluants de la population générale dont les femmes en âge de procréer, enceintes et allaitantes »
La synthèse du HCSP rappel que la composition des laits artificiels sont également contaminés par certains polluants avec des concentrations proche de celle du lait maternel, mais également par des molécules chimiques issues de l’industrie, et des polluants de l’eau comme les PFAS.
En somme, des mesures de prévention de l’exposition aux contaminants pour l’ensemble de la population sont nécessaires, tout en rappelant les bénéfices irremplaçables et majeurs de l’allaitement pour la santé des nourrissons.
Le Haut Conseil de Santé Publique dans sa synthèse énonce les chiffres insuffisants de la pratique de l’allaitement en France et les actions mise en place avec l’OMS et l’UNICEF tel que l’IHAB conçue pour protéger l’allaitement. Les rapports Turck en 2011 et WBTi (2017 et 2024) dénoncent le manque de politique relative à l’allaitement et son inexistence dans la Stratégie nationale de santé.
- La formation initiale et continue de tous les professionnels de la périnatalité est fondamentale et devrait être obligatoire.
- Le thème de l’allaitement devrait être inscrit dans les objectifs prioritaires du DPC (Développement professionnel continu)
- Il est impératif que toutes ces formations soient financées pour être indépendantes de l’industrie du lait artificiel
Les recommandations de l’HCSP
Dans l’axe 1, entre autres objectifs le HCSP recommande d’allonger la durée post-natale du congé de maternité de 6 mois, mais 4 mois dans l’immédiat dont 2 mois supplémentaires sous prescription donnée par un médecin pour « congé d’allaitement ». Parmi les objectif également la réduction des inégalités sociales de santé en matière d’allaitement (thème de la SMAM de cette année 2024), dont les actions à mener sont la pair-aidance (Programme PRALL porté par IPA). L’inscription de l’intégralité du code OMS dans la réglementation est également souhaitée.
Dans l’axe 2, rappelant que la lait maternel ne constitue qu’une faible partie des expositions du nourrisson et qu’elles sont en lien avec les expositions antérieures de la mère et que cette période d’exposition et moins prédominante que la période de gestation, l’HCSP recommande des politiques publiques visant à réduire l’exposition générale aux polluants persistants les plus préoccupants, maîtriser l’expositions des femmes en âge de procréer, enceintes et allaitantes par des mesures de prévention adaptées.
L’HCSP recommande la conduite d’une étude française représentative de la population, avec les études européennes, sur la contamination de la femme enceinte, allaitante et du lait maternel, des laits artificiels ainsi que de l’enfant sur la période de 0 à 6 ans en lien avec les contaminants de l’environnement.
Enfin, l’axe 3 revient sur la formation des professionnels, information des futurs et jeunes parents, et la communication.
« Le HCSP recommande de :
– Renforcer, améliorer et rendre plus cohérente la formation initiale et la formation continue, en l’inscrivant dans le DPC, des professionnels de santé et de la périnatalité26 en intégrant l’allaitement maternel et la prévention de l’exposition aux contaminants, en milieux professionnel et non professionnel, des femmes enceintes, allaitantes et des nourrissons. Ces formations doivent être totalement indépendantes des industriels qu’il s’agisse de leur contenu, de leur organisation ou des supports de formation. Ainsi il faut veiller à supprimer le parrainage, par les industries, des réunions de professionnels de santé ou des réunions
scientifiques ;
– Élaborer un référentiel national de formation qui intègre les 12 conditions pour le succès de l’allaitement de l’OMS et labelliser les formations sur la base de ce référentiel ;
– Proposer des formations courtes et/ou en ligne pour permettre une sensibilisation de l’ensemble des professionnels de santé ;
– Mettre en place des financements de la formation sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant et sur l’allaitement, cela en indépendance absolue de l’industrie agroalimentaire ;
– Faire connaître aux professionnels de santé les recommandations du CNSF 2021 sur « l’initiation et le soutien à l’allaitement », et sur « la prévention sur les expositions domestiques aux agents chimiques et l’utilisation de produits cosmétiques. »« Le HCSP recommande de :
– Prendre toutes les mesures pour informer les parents de façon claire, conforme aux données scientifiques actuelles, indépendante de l’influence de l’industrie et de la pression de la société afin de leur permettre de faire un choix éclairé vis-à-vis de l’allaitement maternel et de respecter leur choix quel qu’il soit ;
– Informer les parents des recommandations françaises :
1. Allaiter au moins jusqu’à 6 mois et aussi longtemps que souhaité
2. Toute période d’allaitement maternel même inférieure à 6 mois est bénéfique
3. La diversification alimentaire peut être initiée entre 4 mois révolus et 6 mois lorsque le développement du nourrisson le permet tout en poursuivant l’allaitement maternel ;
– Garantir une information cohérente des 2 futurs parents sur l’allaitement maternel pendant la grossesse à l’occasion des consultations de suivi de grossesse, de l’entretien prénatal précoce, de la préparation à la naissance et à la parentalité et de la consultation de prévention en s’appuyant sur le livret de Santé publique France ;
– Informer les parents sur les rythmes et besoins du bébé, et sur l’intérêt économique et écologique de l’allaitement ;
– Informer les parents que le lait artificiel est un aliment industriel transformé qui ne pourra jamais être équivalent au lait maternel. »« Le HCSP recommande de :
– Soutenir les associations indépendantes de formation, sans conflit d’intérêt, impliquées dans la formation des personnels de santé et l’information des futurs et jeunes parents sur l’exposition aux contaminants ;
– Promouvoir la restriction voire l’interdiction de recourir aux substances les plus préoccupantes pour les femmes enceintes, allaitantes et les nourrissons, telles qu’elles sont mises en évidence par les programmes de bio-surveillance ;
– Signaler la présence dans les objets du quotidien des substances les plus préoccupantes pour les femmes enceintes, allaitantes et les nourrissons, à l’aide d’un pictogramme, comme cela existe déjà pour les médicaments et les alcools ;
– Donner aux parents une information sur l’exposition aux contaminants environnementaux, élaborée par Santé publique France (site internet 1000 premiers jours) et déclinée, en lien avec les ARS et les professionnels de périnatalité sur l’ensemble du territoire (hexagone et outremer). Cette information détaille précisément les sources de contamination non évitables, mais partiellement gérables (alimentation, environnement intérieur, air, eau), et les sources de contamination évitables (tabagisme actif/passif, alcool, bougies, produits insecticides, produits cosmétiques…). »
Pour aller plus loin :
Les formations pour les professionnels de santé d’IPA