Impact de la température du lait sur la prévention de l’entérocolite nécrosante chez le grand prématuré : vers une approche thermostatique de l’alimentation entérale

09 octobre 2025 |

L’entérocolite nécrosante demeure l’une des pathologies gastro-intestinales les plus graves du nouveau-né prématuré. Elle touche entre 5 et 12 % des nourrissons prématurés et est responsable d’une mortalité pouvant atteindre 30 à 50 % chez les très faibles poids de naissance. Malgré les progrès des soins intensifs néonatals, sa physiopathologie reste incomplètement élucidée.

Les facteurs de risque connus incluent l’immaturité intestinale, l’hypoxie, l’inflammation et certaines pratiques d’alimentation. Parmi ces dernières, la température du lait administré pourrait jouer un rôle déterminant. L’alimentation au lait froid, fréquemment pratiquée dans les unités de soins intensifs, pourrait exposer les prématurés à un stress thermique susceptible d’altérer la perfusion et la perméabilité intestinales, augmentant ainsi le risque d’entérocolite nécrosante .

Objectif de l’étude

L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’impact d’une alimentation thermostatique (maintien du lait à une température constante de 38 °C pendant toute la durée de l’alimentation) comparée à une alimentation standard (lait refroidissant à température ambiante) sur l’incidence de l’entérocolite nécrosante de stade ≥ 2 chez les grands prématurés (< 32 semaines d’âge gestationnel).

Méthodologie

Type d’étude

Essai contrôlé randomisé, prospectif et monocentrique, conduit à l’hôpital pour enfants de l’Université médicale de Chongqing (Chine).

Population étudiée

  • Nourrissons prématurés de moins de 32 semaines d’âge gestationnel.

  • Début de la nutrition entérale dans les 24 heures suivant la naissance.

  • Exclusion : anomalies congénitales majeures, indication chirurgicale précoce, ou refus parental.

Un total de 242 nouveau-nés est prévu, réparti de manière aléatoire (1:1) entre les deux groupes d’intervention.

Intervention

  • Groupe thermostatique : administration du lait maternel ou de la formule via une pompe d’infusion placée à l’intérieur de l’incubateur, maintenant la température à 38 °C jusqu’à la fin du gavage.

  • Groupe standard : administration du lait à température initiale de 38 °C, refroidissant naturellement à la température ambiante (24–26 °C).

Dans les deux groupes, les protocoles de volume et d’augmentation progressive des apports suivent les recommandations nationales chinoises pour la nutrition néonatale. Le lait maternel est privilégié dans tous les cas, pasteurisé en cas de positivité au CMV IgG.

Critères d’évaluation

  • Critère principal : incidence de l’entérocolite nécrosante de stade ≥ 2 selon les critères chinois modifiés de Bell.

  • Critères secondaires :

    • Bronchodysplasie pulmonaire (BPD),

    • Rétinopathie du prématuré (ROP) de stade > 2,

    • Hémorragie intraventriculaire (IVH) de grade > 2,

    • Temps nécessaire pour atteindre la nutrition entérale complète,

    • Croissance pondérale hebdomadaire,

    • Intolérance digestive,

    • Restriction de croissance extra-utérine,

    • Sepsis tardif.

Analyse statistique

Les analyses seront réalisées selon le principe de l’intention de traiter. Le calcul de puissance a été établi pour détecter une différence de 10 % dans l’incidence de l’entérocolite nécrosante entre les groupes, avec une puissance de 90 % et un seuil de significativité bilatéral de 0,05.

Résultats attendus

Les auteurs anticipent plusieurs bénéfices liés à l’alimentation thermostatique :

  1. Réduction de l’incidence de l’entérocolite nécrosante  de stade ≥ 2, grâce à une meilleure stabilité thermique intestinale et une diminution du stress vasculaire.

  2. Amélioration de la tolérance digestive et réduction du délai pour atteindre la nutrition entérale complète.

  3. Croissance pondérale plus soutenue, reflet d’une meilleure assimilation nutritionnelle.

  4. Diminution des complications inflammatoires systémiques, notamment la BPD, la ROP et l’IVH.

Discussion

Cette étude s’inscrit dans un contexte où la prévention de l’entérocolite nécrosante repose principalement sur le recours au lait maternel et sur la prudence dans la progression des apports entéraux. L’ajustement de la température du lait administré représente une approche innovante et physiologiquement cohérente.

Le stress thermique induit par le lait froid pourrait accentuer la vasoconstriction des zones intestinales dites « frontières », fragilisant la perfusion et favorisant l’ischémie. À l’inverse, le maintien d’une température proche de celle du corps (37–38 °C) préserverait la perfusion muqueuse, limiterait la réponse inflammatoire et soutiendrait le développement d’un microbiote intestinal stable.

Cette étude est la première à proposer une évaluation systématique et randomisée de la température d’alimentation chez les très grands prématurés. Bien qu’elle soit monocentrique et sans recours au lait de donneuse, ses résultats pourraient avoir des implications cliniques importantes pour les pratiques d’alimentation néonatale.

Implications pour la pratique professionnelle

Si les hypothèses de cette étude sont confirmées, les recommandations cliniques pourraient évoluer vers :

  • Le maintien du lait maternel à température corporelle (37–38 °C) lors du gavage.

  • La surveillance continue de la température du lait au point d’administration.

  • L’intégration de la gestion thermique du lait dans les protocoles d’alimentation des unités de néonatologie.

Pour les professionnels de l’allaitement maternel, ces données renforcent l’importance non seulement de la qualité biologique du lait, mais également de son confort thermique et physiologique pour l’enfant prématuré.

Le maintien du lait à une température stable et physiologique pourrait constituer un facteur déterminant dans la prévention de l’entérocolite nécrosante et dans l’optimisation de la croissance des très grands prématurés. L’étude de Liu et al. ouvre la voie à une réflexion approfondie sur les pratiques de préparation et d’administration du lait maternel en service de néonatologie.

Des études multicentriques complémentaires seront nécessaires pour confirmer ces observations et établir des recommandations internationales.

Source : Liu X., Shi Y., Li F., Chen L. – “Milk temperature reducing necrotizing enterocolitis in very preterm infants: study protocol for a randomized controlled trial”, BMC Pediatrics, 2025.

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