Impact de l’allaitement maternel sur la santé mentale maternelle et infantile : une revue systématique des données récentes
L’allaitement maternel est reconnu pour ses nombreux bénéfices nutritionnels et immunologiques pour l’enfant. Cependant, au-delà des aspects physiologiques, son influence sur la santé mentale maternelle et sur le développement émotionnel du nourrisson suscite un intérêt croissant au sein de la communauté scientifique. Les recherches antérieures suggèrent que l’allaitement pourrait avoir un effet protecteur contre la dépression du post-partum et favoriser le bien-être psychologique de la mère, mais les résultats demeurent hétérogènes.
Dans cette perspective, Brown, Morgan et leurs collaborateurs ont réalisé une revue systématique afin d’examiner les relations entre l’allaitement, la santé mentale maternelle et les interactions mère-enfant, en s’appuyant sur les données publiées au cours des quinze dernières années.
Méthodologie
Les auteurs ont conduit une revue systématique selon les recommandations PRISMA. Les bases de données PubMed, PsycINFO, Web of Science, CINAHL et Scopus ont été interrogées pour identifier les études publiées entre 2010 et 2024.
Les travaux inclus devaient évaluer des indicateurs de santé mentale maternelle (dépression, anxiété, stress, bien-être) en lien avec la pratique de l’allaitement durant la première année post-partum.
Au total, 72 études, représentant près de 95 000 participantes, ont été retenues. La qualité méthodologique a été évaluée à l’aide de l’échelle de Newcastle–Ottawa pour les études quantitatives et de la grille CASP pour les études qualitatives.
Résultats
Les résultats de cette revue confirment une association inverse entre allaitement et symptômes dépressifs post-partum. Les femmes qui allaitent exclusivement présentent un risque de dépression post-partum réduit d’environ 30 à 40 % par rapport à celles qui n’allaitent pas. Cependant, la relation semble bidirectionnelle : les femmes présentant des symptômes dépressifs précoces sont moins susceptibles d’initier ou de maintenir un allaitement prolongé, ce qui souligne l’importance du dépistage précoce des troubles de l’humeur pendant la grossesse et après la naissance.
Concernant l’anxiété, la majorité des études mettent en évidence une diminution des niveaux anxieux chez les femmes allaitantes, particulièrement lorsque le démarrage de l’allaitement s’est déroulé dans de bonnes conditions et qu’un soutien adéquat a été apporté par l’entourage ou les professionnels de santé. À l’inverse, les difficultés d’allaitement – telles que la douleur, une faible production lactée ou la pression sociale – peuvent être sources de stress et d’anxiété, voire conduire à un vécu négatif de l’expérience d’allaitement.
Sur le plan physiologique, plusieurs études biologiques indiquent que la sécrétion de prolactine et d’ocytocine pendant l’allaitement exerce un effet anxiolytique et relaxant mesurable, se traduisant notamment par une baisse du taux de cortisol et une amélioration de la qualité du sommeil. Ces effets hormonaux seraient plus marqués dans les cas d’allaitement exclusif ou prolongé.
Les données relatives à la relation mère-enfant suggèrent que l’allaitement favorise une meilleure sensibilité maternelle aux signaux du nourrisson et renforce le développement d’un attachement sécurisant. Les enfants allaités plus longtemps présentent, dans certaines études longitudinales, une meilleure régulation émotionnelle et des scores légèrement supérieurs en matière d’adaptation sociale. Néanmoins, les auteurs soulignent que ces bénéfices dépendent largement de la qualité du lien parental et du soutien social, davantage que de la durée de l’allaitement en soi.
Enfin, plusieurs études mettent en évidence une vulnérabilité émotionnelle accrue lors du sevrage, particulièrement lorsque celui-ci survient de manière rapide ou non souhaitée. Cette phase peut s’accompagner d’une hausse transitoire des symptômes dépressifs et anxieux, probablement en lien avec la chute brutale des taux d’ocytocine et de prolactine, hormones impliquées dans la régulation de l’humeur.
Discussion
L’ensemble des résultats conforte l’idée que l’allaitement maternel exerce un effet protecteur modéré mais réel sur la santé mentale maternelle, à condition qu’il soit vécu dans un contexte favorable. Ces bénéfices relèvent à la fois de mécanismes hormonaux, de facteurs relationnels et du ressenti positif associé à une expérience d’allaitement réussie.
Toutefois, les auteurs insistent sur le fait que cet effet protecteur n’est pas universel. Lorsque l’allaitement devient source de douleur, de culpabilité ou d’épuisement, il peut au contraire aggraver la détresse psychologique. Le soutien des professionnels de santé joue donc un rôle déterminant pour prévenir ces situations et accompagner les mères de manière bienveillante.
Les chercheurs plaident également pour une approche plus nuancée dans la promotion de l’allaitement. S’il convient de souligner ses bénéfices, il est tout aussi essentiel de préserver la liberté de choix des femmes et d’éviter toute forme de culpabilisation envers celles qui ne peuvent ou ne souhaitent pas allaiter.
Implications pour la pratique clinique
Cette revue souligne la nécessité d’intégrer la santé mentale maternelle dans toutes les politiques et pratiques de promotion de l’allaitement. Les professionnels de santé devraient être formés à repérer les signes de détresse psychologique, à offrir un accompagnement personnalisé et à collaborer avec les psychologues ou les conseillers en lactation lorsque cela est nécessaire.
Les auteurs recommandent également de développer des programmes de soutien psychologique spécifiques pour les mères allaitantes et de renforcer la recherche sur les effets neuroendocriniens du sevrage.
Conclusion
L’allaitement maternel apparaît comme un facteur de protection potentielle de la santé mentale des mères, en lien avec ses effets hormonaux, émotionnels et relationnels. Cependant, ces bénéfices dépendent étroitement de la qualité du soutien apporté et du vécu subjectif de la mère.
Pour optimiser ses effets positifs, les auteurs appellent à une prise en charge globale et individualisée, dans laquelle le bien-être psychologique maternel est considéré comme une composante essentielle du succès de l’allaitement.
References
Mots clés : allaitement, dépression du port-partum, santé mentale

Allaitement et diversification alimentaire 