Le THC du cannabis reste dans le lait maternel pendant six semaines

22 mars 2021 | Actualités scientifiques

Une équipe de recherche a voulu déterminer la quantité et la durée d’excrétion de THC dans le lait maternel chez les femmes ayant une consommation prénatale connue de cannabis.

En France comme aux Etats-Unis, il est conseillé de s’abstenir de consommer du cannabis pendant la grossesse et l’allaitement maternel. Néanmoins le manque littérature scientifique et de consensus sur l’exposition aux drogues pendant l’allaitement spécifiquement est une difficulté pour les professionnels de santé qui doivent accompagner les mères consommatrices et doivent trouver un équilibre selon les situations entre les potentiels risques de la consommation de drogue et les bénéfices connus de l’allaitement. Au Etats-Unis, l’Académie Américaine de Pédiatrie contre-indique l’allaitement pour les mères consommatrices régulières. En France, Drogues Info Services écrit que « la consommation de drogue n’est pas une contre-indication à l’allaitement« . Quant à l’Academy of Breastfeeding Medicine, elle a publié un protocole sur l’allaitement chez la femme toxicomane. Au sujet du cannabis, on peut y lire qu’il faudrait « peser très soigneusement les risques versus les bénéfices de l’allaitement chez les femmes qui utilisent de la marijuana de façon modérée ou régulière. Il serait nécessaire de recommander l’abstention de toute consommation.  Actuellement, même s’il n’existe aucune donnée suffisamment fiable permettant de recommander de ne pas allaiter lorsque la femme consomme de la marijuana, il est indispensable d’être prudent. » Le protocole liste ensuite des situations défavorables ou contre-indiquant l’allaitement.

Face à la consommation croissante de cannabis dans la société américaine,  et notamment par des mères pendant la grossesse, une équipe de recherche de l’hôpital pour enfants du Colorado (USA)  a souhaité examiner la durée de persistance du tétrahydrocannabinol (THC), le composant psychoactif du cannabis, dans le lait maternel. Ces nouvelles  données sur la métabolisation du THC devraient permettre de mieux informer les mères qui pensaient pouvoir utiliser la technique du pump and dump, c’est-à-dire tirer le lait puis le jeter.

L’étude a recruté des femmes majeures qui avaient des antécédents de consommation prénatale de cannabis et avaient l’intention d’allaiter. Ces femmes étaient disposées à s’abstenir de consommer du cannabis pendant six semaines après l’accouchement, et à fournir régulièrement des échantillons de lait, de sang et d’urine. Sur 25 participantes, 7  ont finalement réussi à s’abstenir de consommer du cannabis pendant la durée de l’étude. Les raisons énumérées pour l’incapacité des autres à s’abstenir comprenaient le stress, le sommeil et le soulagement de la douleur.

Les résultats ont montré que, bien que les concentrations de THC variaient d’une femme à l’autre (probablement en fonction de leur niveau d’utilisation, de leur IMC et de leur métabolisme), le THC était excrété dans le lait maternel de ces sept femmes pendant jusqu’à six semaines. En fait, toutes les femmes avaient encore des niveaux détectables de THC dans leur lait maternel à la fin de l’étude.

Dans un article pour le site MedicalXPress , la chercheuse Maya Bunik a déclaré : «Cette étude a fourni des informations inestimables sur le temps qu’il faut à une femme pour métaboliser le THC dans son corps après la naissance, mais elle nous a également aidés à comprendre pourquoi les mères consomment du cannabis en premier lieu. Pour limiter les effets inconnus du THC sur le développement cérébral du fœtus et promouvoir l’allaitement maternel sans danger, il est essentiel de mettre l’accent sur l’abstention du cannabis au début de la grossesse et du post-partum. Pour encourager une abstention réussie, nous devons examiner et améliorer le système de soutien que nous pouvons offrir aux nouvelles mamans.  »

Même si l’étude ne porte pas sur l’impact du cannabis sur les enfants allaités, la chercheuse Erica Wymore se dit quant à elle préoccupée, car des études antérieures ont montré que l’exposition in-utero pouvait entraîner des conséquences à long-terme, d’autant plus que le cannabis d’aujourd’hui est plus puissant qu’il ne l’a été ces dernières décennies.

WYMORE, Erica M., PALMER, Claire, WANG, George S., et al. Persistence of Δ-9-Tetrahydrocannabinol in Human Breast Milk. JAMA Pediatrics [en ligne]. Mars 2021.

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Publié par : JC, Documentaliste IPA.

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