VIH et Allaitement, les nouvelles recommandations de l’HAS

Le 31 mai 2024, la Haute Autorité de Santé -HAS- a publié ses dernières recommandations concernant le VIH et la périnatalité.

Grossesse et VIH : désir d’enfant, soins de la femme enceinte et prévention de la transmission mère-enfant

Ce qui est dit concernant l’allaitement :

« Accompagnement pour choisir les modalités d’allaitement

Le sujet de l’allaitement doit être abordé pendant le suivi de grossesse.; il s’agit d’une décision partagée.

Lorsqu’un allaitement artificiel est décidé: apporter si besoin une aide pour l’achat de lait.et accompagner la femme, notamment pour la préparer à répondre aux questions de l’entourage.

Conditions requises pour envisager l’allaitement au sein par une mère vivant avec le VIH

  • Traitement ARV débuté avant la conception ou au 1er trimestre de grossesse

  • Historique de suivi régulier, d’observance optimale au traitement ARV et aux visites

  • Charge virale maternelle <50 copies/mL avec au moins 6 mois de contrôle virologique

  • Engagement de suivi renforcé pendant toute la durée de l’allaitement au sein

  • Capacité de l’équipe de réaliser l’accompagnement de la mère et de l’enfant.

Si l’un des critères n’est pas rempli, l’allaitement au sein est formellement déconseillé.

L’allaitement au sein ne modifie pas le choix des ARV chez la mère. La diffusion des ARV dans le lait maternel est variable. Il n’y a pas à ce jour de données sur la toxicité potentielle des ARV chez l’enfant exposé par l’allaitement pour guider des recommandations de choix thérapeutique chez la mère, ou de surveillance particulière chez l’enfant.

Traitement prophylactique chez le nourrisson en cas d’allaitement au sein

  • Il est proposé de poursuivre la prophylaxie du nourrisson pendant toute la durée de l’allaitement et jusqu’à 15 jours après son arrêt définitif

  • La NVP est à utiliser en 1re intention chez l’enfant de mère vivant avec le VIH-1.

Protocole de suivi d’allaitement au sein

  • Charge virale plasmatique mensuelle chez la mère, en précisant le lieu des prélèvements et les coordonnées de l’infectiologue et du pédiatre auxquels envoyer les résultats

  • Suivi postnatal renforcé avec PCR ARN et ADN VIH de l’enfant à M1, M3, M6, puis tous les 3 mois jusqu’à 3 mois après le sevrage complet

  • En cas de mastite ou d’abcès, traiter la complication, tirer le lait et le jeter jusqu’à guérison. L’allaitement reste possible avec le sein non atteint

  • Suspendre l’allaitement maternel immédiatement en cas d’ascension de la charge virale plasmatique >50 copies/mL (>40 copies/ml pour VIH-2) ; Contrôler sans délai pour discuter de l’éventuelle reprise de l’allaitement maternel selon les résultats

  • Limiter la durée de l’allaitement et ne pas dépasser 6 mois

  • Allaitement exclusif conseillé dans les premiers mois, avec prescription de compléments de lait maternisé* possibles si nécessaire ; diversification alimentaire à partir de 6 mois

  • Remettre un document d’information avec conseils en cas de complications (qui servira aussi aux professionnels consultés)

  • Prescrire un tire-lait, des biberons, et du lait de substitution en cas de nécessité de suspendre l’allaitement

  • Préciser les rendez-vous de suivi pour la mère et rendez-vous pour l’enfant et les coordonnées (téléphone, mail) des équipes de pédiatrie, maternité et médecine, et de personnes ressources (consultant en lactation, sage-femme ou puéricultrice, associations) travaillant en lien avec l’équipe VIH périnatale.

L’évaluation de la sécurité de l’allaitement au sein en contexte de VIH est prévue dans un observatoire national (LACTAVIH). »

*L’équipe d’IPA préfère le terme de « substitut au lait maternel » ou « lait industriel » au terme « lait maternisé » qui induit en erreur le consommateur. Par souci de citation exacte de l’article de l’HAS, nous laissons leur choix sémantique tel quel.

Retrouvez le thème VIH et Allaitement présenté par Eva SOMMERLATE (directrice du Comité des familles) lors de notre Journée Régionale de l’Allaitement -JRA- le 4 octobre 2024 ! Plus d’information à venir concernant la JRA 2024 !

Pour retrouver l’article en entier. 

Nos articles pour aller plus loin :

Périnatalité et infection VIH lors de la 7ème journée de formation de la maternité de Port-Royal et de la FHU PREMA

L’inclusion des femmes allaitantes dans les études sur les médicaments antirétroviraux à action prolongée

Publié par L. Connan-Besson, documentaliste IPA

 

Bulletin d’acquisition : Avril-Mai 2024

De nouveaux documents (revues et livres) sur l’allaitement maternel sont disponibles.

 

Ces documents sont consultables sur place ou en prêt;
prêt à distance possible pour les adhérents. Voir conditions .

Comment consulter un document ?

                    • Pour tout le monde : consultation gratuite dans nos locaux, sur rendez-vous.
                    • Pour les adhérent·es : emprunt de documents pendant 1 mois ou copies d’articles, gratuit sur simple demande. Possible même à distance (envoi aller-retour par colis aux frais d’IPA).

Un document vous intéresse ? Contactez-nous.

 

 

Publié par : L.C., Documentaliste IPA.

Prévalence mondiale de l’hypoplasie mammaire, une revue systématique

02 juin 2024

Cet article publié dans Breastfeeding Review en novembre 2023 est une revue systématique concernant la prévalence de l’hypoplasie mammaire. Les auteurs ont réalisé une recherche bibliographique afin de déterminer la prévalence mondiale de cette affection.

En effet, les auteurs expliquent qu’on rapporte généralement 1-5 % des femmes qui auraient une insuffisance primaire de lactation avec l’incapacité à produire du lait en quantités suffisantes pour un allaitement exclusif. Le chiffre de 5% viendrait d’un article rédigé en 1938 par Spencer, cité 45 fois depuis dans des articles scientifiques, mais cette source ne serait pas basée sur un travail de recherche.

L’hypoplasie mammaire réfère à l’insuffisance de développement de la glande mammaire, et une association est retrouvée avec une insuffisance primaire de lactation dans la littérature.

La cause de l’hypoplasie n’est pas bien déterminée: des études sur les souris montrent l’impact de l’exposition lors de la gestation à des perturbateurs endocriniens résultant en un développement inadéquat de la glande mammaire avec un impact sur la lactation. Les perturbations hormonales (type SOPK) pourraient également perturber le développement du tissu glandulaire.

Les auteurs décrivent la morphologie observée en cas d’hypoplasie mammaire: seins tubéreux, asymétrie, hypertrophie de l’aréole.

Une recherche bibliographique a permis de retenir seulement deux études répondant aux critères de qualité nécessaires. La population totale des 2 études était de 1975 femmes. Ces deux études ont été réalisées dans le contexte d’une chirurgie mammaire, et non dans le cadre de l’allaitement. Les taux d’hypoplasie mammaires estimés étaient de 38 % et 75% mais il existe un biais de sélection du fait du contexte de chirurgie. De plus, les taux sont très différents en raison de la différence de classification de l’hypoplasie entre les deux études. Les auteurs de cette revue soulignent que ce problème de définition et classification de l’hypoplasie est un problème récurrent dans les études et ils invitent les nouvelles études à se focaliser sur cette problématique .

Les auteurs n’ont donc pas pu établir la prévalence de l’hypoplasie mammaire et ont mis en évidence le manque de définition claire pour la classification de cette condition.

 

Article:*Worldwide prevalence of breast hypoplasia in women: a systematic review. Renee L Kam, Lisa H Amir, Meabh Cullinane. Breastfeeding review, 2023, Vol 31(3) 17-27.

Présentation par Elise Armoiry, Dr en Pharmacie et consultante en lactation IBCLC

Regard sur ouvrage White Blood par une consultante en lactation IBCLC

28 mai 2024 | actu Veille biblio

Nous vous présentons l’ouvrage White Blood, reçu récemment au CERDAM. L’auteur est Lawrence Trevelyan Weaver, gastropédiatre et historien écossais.

Cet ouvrage envisage le lait humain sous différents aspect avec un regard chronologique et historique :

  • l’aspect vital, comme le sang: le lait apporte au bébé tous les éléments nécessaires pour survivre et être nourri
  • la transformation du lait: de sa production, à sa digestion et son métabolisme
  • l’aspect nutritionnel
  • la morbidité liée à l’absence de lait maternel pour le bébé

Dans une première partie l’auteur décrit en détail la composition du lait maternel et ses propriétés immunologiques, avec une comparaison du lait humain et de celui d’autres mammifères.

 

Il explique que le lait était décrit comme du “sang blanc” à l’époque de l’antiquité, que l’apparition des dents chez le bébé sonnait le début du sevrage, et  l’importance du choix d’une bonne nourrice en bonne santé et de bon caractère ( puisque le lait avait également le pouvoir de recueillir l’humeur de la nourrice).

 Il explique aussi l’approche des religions vis à vis du lait maternel , que ce soit l’Islam qui préconise 2 ans d’allaitement , ou le Christianisme qui qualifie l’allaitement d’”occupation sacrée” et le lait maternel”d’amour de Dieu”.

Puis l’auteur envisage l’approche des premiers scientifiques et chimistes, lors de l’apparition du microscope par exemple ou de la théorie de l’acidité. En 1689, Walter Harris, médecin anglais, considérait que les coliques étaient dues à l’acidité et proposait des décoctions anti-acide (on n’a rien inventé en fait avec les IPP!)

 Les nourrices anglaises de cette époque donnaient de l’alcool et des opiacés aux bébés pour les tenir tranquilles, et les nourrissaient de gruaux et céréales, entraînant de nombreux décès. Il y avait également la transmission de la syphilis qui était alors endémique, et les nourrices participaient à la contamination des enfants.

L’auteur explique le challenge rencontrés par les orphelinats des années 1700 pour nourrir les enfants et l’importance à nouveau de l’allaitement par les nourrices, et l’augmentation du taux de survie des enfants nourris au lait maternel en comparaison avec ceux nourris avec des bouillies de pain et lait de vache. 

L’auteur revient sur l’organisation des nourrices en  France en 1730 avec 9000 bébés envoyés à la campagne chez une nourrice, et comment le  retour du bambin, sevré, propre, et marchant était célébré. Un tiers des bébés mouraient toutefois chez la nourrice. 

L’auteur décrit les bouillies et autres aliments donnés aux bébés à la place du lait maternel, causant diarrhées, selles vertes, et entraînant une mort prématurée .

Il explique l’arrivée des “hommes de science” sur les accouchements et les soins du bébé avec le matériel ( forceps, biberons, bouts de sein en argent), au grand désarroi des sage-femmes, l’arrivée des premiers ouvrages de pédiatrie et la médicalisation de la nutrition infantile. On y décrit l’ importance d’allaiter, et en cas d’impossibilité de recourir à une nourrice dont il faudra tester le lait. Et enfin en l’absence de nourrice, l’usage de lait de chèvre ou de vache dilué et sucré administré dans une corne reliée à une peau de mamelon de vache ( l’ancêtre du biberon). 

On découvre les débuts de la pédiatrie, avec les pesées à la naissance pour distinguer les enfants viables ou non, et le développement de l’intérêt pour les maladie des enfants et leur traitement, et… la création du lait artificiel par modification du lait de vache, de chèvre ou d’ânesse (notamment en cas de diarrhée) avec addition de divers éléments: farine, extrait de boeuf, malt…Liebig, puis Nestlé… Ainsi que le développement de la santé publique,  la problématique des taux de mortalité supérieur des enfants par rapport aux adultes, la découverte de l’hygiène, des risques liés au lait de vache cru, aux biberons difficiles à nettoyer ..

L’utilisation des balances, et les premières courbes de poids, l’encouragement de l’allaitement maternel, la mortalité infantile élevée en raison d’une nutrition inappropriée.

Et finalement après la  première guerre mondiale et l’apparition du lait en poudre, le développement à large échelle  des biberons et lait artificiels “pratiquement identiques au lait maternel” comme le mentionne Nestlé, et l’engouement pour ces préparations pour nourrissons qui à première vue permettent aux bébés d’aussi bien grandir. On arrive ensuite à l’histoire que tout le monde connait…

 

En conclusion, j’ai trouvé ce livre, qui montre l’importance du lait maternel à travers les siècles, passionnant.

 

Rédaction par Elise Armoiry, Dr en Pharmacie et consultante en lactation IBCLC