Comment le marketing des substituts du lait maternel fonctionne

21 mai 2021 | Actualités scientifiques

Nous célébrons cette semaine les 40 ans du Code international sur la commercialisation des substituts du lait maternel.

Un article scientifique titré « Vendre une alimentation de second choix :  comment le marketing des substituts du lait maternel fonctionne » examine les rouages de cette industrie, qui reste puissante et fructueuse malgré les tentatives pour contenir la commercialisation. Nous présentons ci-dessous ses conclusions.

L’étude comprend un mélange d’analyses secondaires de bases de données commerciales et d’entretiens qualitatifs avec des professionnels du marketing, dont certains avaient auparavant travaillé dans le marketing des substituts du lait maternel.

Le Code international sur la commercialisation des substituts du lait maternel vise à protéger les parents des pressions commerciales déloyales en mettant fin à la promotion inappropriée des préparations pour nourrissons. L’étude montre qu’en réalité, le marketing reste répandu parce que certains pays (par exemple les États-Unis) n’ont pas adopté le Code, et ailleurs, l’industrie a développé des laits de suite et des laits spéciaux avec lesquels ils promeuvent l’ensemble des substituts du lait maternel par proximité. L’Assemblée mondiale de la Santé a tenté de combler ces lacunes en étendant son Code à ces produits; mais le marketing continue. Les campagnes publicitaires  jouent sur les émotions pour atteindre et établir des relations avec les parents et en particulier les mères. Les marques évocatrices donnent à ces approches un visage humain. L’avènement des médias sociaux leur a permis de se positionner en tant qu’amies et soutien des parents ; il fournit également aux entreprises un riche flux de données personnelles avec lesquelles elles affinent et ciblent leurs campagnes.

L’industrie des substituts du lait maternel est dominée par un petit nombre de sociétés multinationales extrêmement puissantes disposant des ressources nécessaires pour acquérir la meilleure expertise marketing mondiale. Comme toutes les sociétés, elle est régie par l’impératif fiduciaire qui place la recherche de profits avant toutes les autres préoccupations. Ce mélange de pouvoir financier, de marketing sophistiqué et de détermination nuit gravement à la santé publique.

L’article affirme qu’il est urgent de révéler encore plus les préjudices causés par la commercialisation des substituts du lait maternel; son ampleur est révélatrice mais reste ignorées par certains experts en santé publique. Même des professionnels du marketing qui ont travaillé dans l’industrie ont été décontenancés et ont commencé à exprimer des regrets manifestes au sujet de leurs actions passées. Au cours de leur carrière, les professionnels du marketing d’entreprise naviguent entre les entreprises et les secteurs – des substituts du lait maternel aux supermarchés en passant par la technologie – cette équivalence morale irréfléchie et totalement injustifiée doit être remise en question. Le système de santé a également été entraîné dans cette mascarade; tout comme il y a cinquante ans, il a dû repenser le tabac, il doit donc aujourd’hui revoir fondamentalement sa relation avec l’industrie des substituts du lait maternel. La décision récente de la revue scientifique BMJ et de ses revues affiliées de refuser la publicité sur les substituts du lait maternel est une action bienvenue dans cette direction.

L’article suggère que la réglementation de la commercialisation doit être considérablement renforcée. Il cite la remarque d’un spécialiste du marketing: «la réponse la plus efficace serait d’interdire tout marketing atour des substituts du lait maternel; un peu comme cela se fait avec le tabac » mais apporte une nuance : le substitut de lait maternel peut être une option essentielle (besoins spéciaux, impossibilité ou arrêt de l’allaitement). Le problème n’est pas le produit mais plutôt une commercialisation incontrôlable, qui entraîne une surconsommation dangereuse dans l’intérêt des bénéfices des entreprises. Cela devrait changer. Le seul but des communications sur les préparations pour nourrissons devrait être d’aider les parents et les soignants à prendre la meilleure décision possible pour le bébé. La publicité n’aide en rien à cet égard. Elle favorise la confusion en créant des besoins et des gammes de produits fallacieux. Sous sa forme numérique, devenue si importante ces dernières années, le marketing est particulièrement manipulateur. Toute cette publicité devrait cesser immédiatement, comme l’exigeait le Code de l’OMS il y a quatre décennies. Le packaging devrait être neutre et permettre un choix objectif, avec des informations provenant d’une source de santé publique accréditée, expliquant le contenu du produit, comment il doit être utilisé et par qui. Les  points de vente devraient apporter un soutien supplémentaire à la promotion de la santé, en relayant là encore avec des informations provenant d’une source indépendante. Les prix doivent également être strictement réglementés; les substituts du lait maternel sont extrêmement rentables pour un petit nombre de sociétés multinationales, alors que les coûts pour la société sont énormes. En outre, il ne devrait plus être possible d’utiliser le prix comme un faux indicateur de qualité.

L’article affirme que ce n’est qu’avec ces révisions radicales que nous obtiendrons un marché des substituts du lait maternel qui répond aux besoins des bébés et de leurs parents plutôt que des actionnaires. Ce sont de grandes étapes qui nécessiteront une gestion prudente et soutenue et qui rencontreront la résistance d’intérêts acquis très puissants. Dans d’autres domaines contestés, où un changement radical est nécessaire, comme le tabac et le climat, une Convention-cadre, de portée mondiale, a fourni une réponse aux enjeux; l’équivalent est maintenant nécessaire pour l’alimentation des nourrissons.

Cette étude était limitée par un petit nombre d’entretiens et reposait sur l’accès à des données secondaires, provenant principalement de pays à économie à revenu élevé. Les résultats ne sont pas représentatifs et ne permettent pas de révéler d’autres pratiques répréhensibles qui ont cours dans certains pays avec des situations économiques et sociales différentes. Néanmoins, ils fournissent des informations clés sur le fonctionnement du marketing des substituts du lait maternel et apportent de nouvelles données sur la compréhension de l’impact du commerce international sur la santé publique.

HASTINGS, Gerard, ANGUS, Kathryn, EADIE, Douglas et al. Selling second best: how infant formula marketing works. Globalization and Health [en ligne]. Décembre 2020, Vol. 16, no 1, p. 77. [consulté le 21/05/2021]

Pour aller plus loin  :

*Ces documents sont disponible sur demande chez IPA.
Voir les conditions de consultation au Centre de Ressources CERDAM d’IPA.
Publié par : JC, Documentaliste IPA.

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