Diversification alimentaire et troubles alimentaires pédiatriques – Regard sur l’intervention d’Anna Lalot lors de la JRA 2022

10 janvier 2023 | Articles thématiques

La Journée Régionale de l’Allaitement 2022 vue par Aurélie Merciris, diététicienne nutritionniste, consultante en lactation et membre du CA d’IPA, qui résume les grandes lignes de l’intervention.

En septembre 2021, Santé Publique France recommandait de débuter la diversification alimentaire chez l’enfant entre 4 et 6 mois (ndlr : l’OMS recommande l’allaitement exclusif jusqu’aux six mois de l’enfant). La diversification est une étape importante pour le développement de l’enfant. Le passage d’une texture liquide à une texture en morceaux est sous tendue par des modifications anatomiques de la sphère orale et une maturation neurologique et motrice chez le jeune enfant.

De la naissance à 4 mois correspond la période de succion-réflexe. On ne donne que du lait au bébé car la bouche est immature et n’est pas en mesure de traiter une autre texture que le liquide.

Entre 4 et 6 mois, la succion réflexe se transforme en succion volontaire, plus mature, qui se développe de haut en bas par l’apparition de mouvements verticaux de la mandibule. Ces mouvements verticaux vont permettre petit à petit une meilleure gestion du bol alimentaire. C’est donc au cours de cette période que l’on qualifie de « fenêtre d’opportunité », que l’on va proposer les premiers aliments en texture mixée.

Entre 6 et 9 mois (période « Munching » ») les mouvements de la mandibule s’accroissent, l’enfant va être capable d’écraser les aliments avec ses gencives. Parallèlement, on observe que le bébé cherche à attraper des objets et à les explorer en les portant à sa bouche.

Petit à petit, on temps vers la consommation d’aliments plus consistants.

Entre 9 et 12 mois (période « Biting »), la mastication s’affine, elle devient plus précise. L’apparition des premières dents de lait : les incisives, permettent à l’enfant de croquer. Sur le plan de la motricité globale, à ce stade, l’enfant est capable d’utiliser la pince « pouce-index » qui va lui permettre de détailler les aliments qui vont entrer dans sa bouche.

Entre 12 et 15 mois (période « Chewing-gum »), on tend vers une autonomisation de l’alimentation car chaque partie de la bouche va pouvoir fonctionner de manière simultanée. On observe que les mouvements de la mandibule se dissocient des mouvements de la langue. La texture de l’alimentation se rapproche d’une alimentation en morceaux.

A partir de 24 mois, la diversification alimentaire est terminée. L’enfant est capable de manger des morceaux, bien que la mastication ne soit similaire à celle de l’adulte qu’entre 4 et 6 ans.

L’orthophoniste Anna Lalot insiste sur un point : la mastication est une praxie complexe qui ne se développe que si on lui en donne l’occasion. C’est également une étape importante de la digestion. Pour que la mastication devienne fonctionnelle, elle doit être encouragée avec des textures variées et proposées à l’âge opportun.

Une étude de Nicklaus menée en 2019 a démontré que l’âge d’introduction des différentes saveurs et textures va avoir une influence sur le comportement alimentaire futur de l’enfant.

On peut donc se demander qu’elle est la place de la DME (Diversification Menée par l’Enfant) dans l’acquisition de nouvelles compétences alimentaires ?

La DME est une philosophie d’auto-alimentation avec les doigts, popularisée par G.Rapley qui consiste à proposer au bébé une alimentation en morceaux similaire à celle du reste de la famille. Bien que la DME ne passe pas par la case purée, il est important de proposer à son enfant, des textures adaptées à sa capacité de mastication et de déglutition afin d’éviter tout risque de fausses routes, d’où l’importance d’être accompagné dans cette démarche par un professionnel compétent.

Certains signaux montrent que votre enfant est prêt à débuter une DME :

  • Il maintient sa tête et son dos droit sur une chaise haute
  • Il déglutit les textures mixées correctement
  • Il mâchonne ou porte des jouets à sa bouche

Quel que soit le mode d’alimentation choisie pour débuter la diversification alimentaire, il se peut que les parents rencontrent des difficultés au cours de cette période notamment lors de la phase de néophobie alimentaire. Elle apparait chez une grande majorité des enfants à partir de 12 mois et peut s’étendre jusqu’à l’âge de 6 ans dans certains cas.

Au cours de cette période, les enfants présentent une grande réticence à goûter de nouveaux aliments. Les aliments habituellement consommés sont refusés. Une sélectivité alimentaire est décrite par les parents chez 25 à 45 % des enfants de moins de 3 ans. Pour seulement, 3 à 10% d’entre eux, cela engendrera des difficultés sur le long terme s’il n’y a pas d’aide adaptée. On parle alors de troubles alimentaires pédiatriques (TAP).

Ils se caractérisent pour une prise alimentaire et hydrique insuffisante par rapport à l’âge, pour assurer une croissance optimale. Il peut être aigue s’il dure de 2 semaines à 3 mois, ou bien chronique s’il perdure au-delà de 3 mois.

En cas de TAP, A.Anderson (2015), décrit les symptômes suivants :

  • Refus d’essayer de nouveaux aliments
  • Reflexe nauséeux exacerbé, étouffements, difficultés respiratoires quand l’enfant mange ou boit
  • Sialorrhée, régurgitations d’aliments
  • Difficultés de mastication et de déglutition
  • Panel alimentaire restreint avec moins de 20 aliments consommés
  • Refus d’aliments en lien avec leur texture
  • Refus d’une ou plusieurs catégories d’aliments (légumes, féculents, viande…)
  • Comportements visant à éviter les repas

Il est important d’accorder une attention particulière aux enfants qui présentent des pathologies pulmonaires, digestives et/ou des enfants ayant des troubles du neurodéveloppement car ils sont très à risque de développer des troubles de l’alimentation.

En cas de suspicion de troubles alimentaires pédiatriques, dans un premier temps, vous pouvez vous rapprocher de votre pédiatre ou médecin généraliste pour vérifier les éventuelles carences et évaluer la courbe de croissance. En cas de trouble de la déglutition, des examens complémentaires seront envisagés. Une fois le diagnostic de TAP posé, la prise en charge rééducative est pluridisciplinaire : pédiatre, orthophoniste, diététicien(ne), psychomotricienne, psychologue interviendront auprès de votre enfant pour l’aider à retrouver un rapport serein à l’alimentation.

Toutes les références citées dans le résumé de l’intervention peuvent être retrouvées dans la bibliographie de l’intervenante, page 5.

Pour aller plus loin :

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