Une étude examine les promesses nutritionnelles et de santé utilisées pour promouvoir les préparations commerciales pour nourrissons dans plusieurs pays et évalue la validité des preuves utilisées pour étayer ces affirmations.

Le lait maternel humain est la source optimale de nutrition infantile. Des preuves cohérentes étayent les multiples risques à court et à long terme pour la santé des enfants et des mères lorsque des substituts tels que les préparations pour nourrissons (PPN) sont utilisés. Les décisions concernant l’alimentation du nourrisson peuvent être influencées par une gamme de facteurs médicaux, facteurs sociopolitiques et psychologiques. Cependant, la commercialisation des préparations pour nourrissons est un facteur important qui peut nuire à l’allaitement maternel. Des recherches multinationales récentes menées par l’Organisation mondiale de la santé et le Fonds international des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) ont souligné à quel point la commercialisation des préparations pour nourrissons peut être « omniprésente, personnalisée et puissante », les données personnelles sur les plateformes numériques étant utilisées pour affiner les stratégies. L’industrie dépense des milliards par an pour promouvoir les substituts du lait maternel, et de multiples techniques, jouant souvent sur les émotions et craintes des parents, sont utilisées pour promouvoir les produits.

Les allégations relatives à la santé et à la nutrition des préparations pour nourrissons sont controversées car elles peuvent renforcer la perception de bénéfices des préparations pour nourrissons par rapport à l’allaitement maternel et ainsi nuire à l’allaitement. On estime que l’allaitement maternel sous-optimal entraîne environ 600 000 décès d’enfants par pneumonie et diarrhée et 100 000 décès maternels par cancer de l’ovaire ou du sein chaque année. En outre, un doute existe quant à la véracité de ces affirmations courantes.

Dans un échantillon de pays, l’équipe de recherche a identifié les arguments nutritionnels et de santé visibles sur les sites web publics des fabricants de préparations pour nourrissons et a évalué les preuves citées pour justifier ces affirmations.

Cette enquête transversale révèle que la plupart des préparations pour nourrissons comportaient au moins une allégation relative à la santé et à la nutrition. Plusieurs ingrédients ont été identifiés comme ayant des effets similaires sur la santé ou la nutrition, plusieurs allégations différentes ont été faites pour le même type d’ingrédient, la plupart des produits n’ont pas fourni de références scientifiques pour étayer les allégations, et  les preuves scientifiques utilisées pour étayer le reste des allégations comportaient un risque élevé de biais.

Diagramme représentant les arguments utilisés pour promouvoir les PPN, les ingrédients auxquels ils sont éventuellement associées et leur fréquence. Cliquer pour agrandir.

L’étude montre que les promesses nutritionnelles et de santé pour les préparations pour nourrissons sont courantes, comme démontré dans des travaux antérieurs. Ces messages apparaissent sur les emballages des préparations pour nourrissons et le matériel promotionnel associé, malgré les réglementations nationales et les directives internationales qui les interdisent.

Ils ont été fréquemment observés sur les emballages des préparations pour nourrissons et les sites web promotionnels, aussi bien dans des pays ayant des niveaux de conformité élevés  avec l’instrument juridique international actuel, le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, que dans des pays ayant des faibles niveaux de conformité. Cela pourrait suggérer que les communautés mondiales de réglementation et de santé publique, les gouvernements et les responsables des politiques publiques ne parviennent pas à limiter efficacement l’utilisation de ces allégations dans la commercialisation des substituts du lait maternel, comme on le voit dans d’autres secteurs connexes. Cela peut à la fois nuire à l’allaitement et devenir un fardeau financier pour les familles, car les prix élevés des préparations pour nourrissons peuvent avoir des effets néfastes sur les familles, notamment résidant dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Ces messages sont observables aussi fréquemment dans les les pays à revenu faible et intermédiaire que dans les pays à revenu élevé. Les arguments de santé pouvaient varier selon les pays, cependant le périmètre de cette étude ne comprenait l’analyse des raisons de ces variations.

Les allégations liant les acides gras polyinsaturés à longue chaîne au développement du cerveau, des yeux et du système nerveux étaient les plus courantes. Ce lien de causalité est signalé malgré des preuves récentes qui ne permettent pas d’étayer l’association. D’autres allégations courantes, telles que celles liant les prébiotiques, les probiotiques et les symbiotiques au renforcement et au soutien d’un système immunitaire sain, n’ont pas non plus de preuves solides dans la littérature scientifique. Il convient de noter que les allégations étaient fréquemment faites en l’absence de lien avec un ingrédient spécifique. Lorsqu’un lien avec un ingrédient était présent, les preuves étaient souvent insuffisantes, de nombreuses allégations n’étant pas étayées par des références appropriées à la littérature scientifique publiée et évaluée par des pairs.

Les deux tiers des produits avec au moins un argument de santé ou de nutrition n’ont fourni aucune référence à aucune preuve et, lorsque des essais cliniques enregistrés ont été cités, ils présentaient un niveau élevé de conflits d’intérêts et de financement de l’industrie et présentaient un risque élevé de biais. Le manque d’indépendance ou de transparence et le risque élevé de biais et de résultats présentés de manières sélective ont été identifiés globalement comme des caractéristiques des essais sur les laits infantiles industriels.  Ce manque de fondement scientifique contraste avec les informations destinées au consommateur telles que « largement étudié » ou « soutenu par 40 ans de recherche », ce qui implique un soutien scientifique solide. Cela peut être trompeur pour les parents et les professionnels de la santé, affectant par la suite leurs choix ou recommandations. Des techniques parallèles ont été observées avec les sociétés pharmaceutiques, qui ont été critiquées pour la publicité sur les médicaments dans les revues médicales, influençant la compréhension des lecteurs et entraînant certaines « associations mythiques » entre les conditions médicales et les médicaments de marque. Dans l’ensemble, les activités du secteur privé ayant un impact positif ou négatif sur la santé publique, ainsi que les systèmes et normes politiques et économiques propices, sont appelés déterminants commerciaux de la santé. Les stratégies de marketing et les activités politiques contraires à l’éthique, y compris la désinformation, le lobbying et les dons, sont des caractéristiques bien documentées de l’interaction actuelle entre les entreprises et le bien-être public. 

Aperçu du nombre principal de produits, d’allégations, d’ingrédients et de références cités, observés dans le cadre de l’étude. Cliquer pour agrandir.

Plus particulièrement, pour de nombreux ingrédients, les risques et les avantages de l’ajout aux préparations pour nourrissons n’ont pas été bien justifiés. Le lait maternel humain se compose de milliers de composants biologiquement actifs ayant potentiellement un impact sur la santé du nourrisson, qui sont très variables, à la fois chez la mère et selon les mères, et peuvent être modifiés par des facteurs maternels et environnementaux. La présence d’un ingrédient biologiquement actif particulier ne signifie cependant pas qu’il est crucial pour le développement du nourrisson. L’ajout d’ingrédients individuels ayant une activité biologique connue aux préparations pour nourrissons devrait être mieux étayé par des preuves scientifiques solides concernant les avantages et la sécurité à long terme.

Le besoin de plus de preuves pour étayer les arguments de marketing visibles sur les préparations pour nourrissons a déjà été souligné précédemment par d’autres études, limitées à un seul pays. Cette étude-ci apporte au corpus scientifique une approche internationale, en liant formellement les allégations et les ingrédients dans plusieurs juridictions, et en évaluant le risque de biais dans les essais cliniques enregistrés et les revues systématiques. Les résultats identifient un niveau élevé de redondance dans les relations entre les allégations et les ingrédients, et peu de justification scientifique des allégations. L’exposition aux stratégies de commercialisation des préparations pour nourrissons a récemment été évaluée à l’échelle internationale par l’OMS, et il est clair que la plupart des parents sont exposés à la commercialisation des préparations pour nourrissons pendant la grossesse ou la période postnatale et sont souvent induits en erreur par ces allégations.

Les résultats suggèrent que les promesses nutritionnelles et de santé pour les produits considérés comme des substituts du lait maternel ne devraient pas être autorisées. Ces produits sont si importants pour les nourrissons qui en ont besoin, et toute véritable avancée dans la composition des substituts du lait maternel devrait être mise à la disposition de tous les nourrissons recevant ce type de produits. Ces avancées devraient être standardisées dans toutes les préparations pour nourrissons et ne pas se limiter à certaines en tant que facteurs d’attractivité à des fins de marketing. Ces nouvelles informations sur l’étendue et la complexité des arguments de santé pour les produits contenant des substituts du lait maternel soulignent le manque de preuves scientifiques disponibles pour étayer ces allégations et leur rôle important en tant que vecteurs de commercialisation. Compte tenu des effets indésirables connus des substituts du lait maternel, ces résultats renforcent l’appel à l’interdiction de ces allégations nutritionnelles et de santé pour les substituts du lait maternel.

• Consulter l’article intégral « Health and nutrition claims for infant formula: international cross sectional survey » [engl.]

Publié par : JC, Documentaliste IPA.

Mots clés : code international sur la commercialisation des substituts du lait maternel (OMS), open access