De récentes recommandations sur la prévention de l’APLV interpellent les acteurs de la promotion et du soutien à l’allaitement
En octobre 2022, lors de la Journée Régionale de l’Allaitement maternel, nous abordions le sujet de la prévention des allergies alimentaires et passions en revue les recommandations nationales et internationales disponibles à ce jour.
Les recommandations de la Société Française d’Allergologie concernant la prévention de l’allergie aux protéines de lait de chez les nourrissons allaités vous ont particulièrement interpellé. Une réaction partagée plus largement par une variété d’acteurs de la promotion et du soutien à l’allaitement face à l’évolution de la situation actuelle depuis les publications de la SFA.
Vous trouverez ci-dessous une lettre qui a pour objectif d’alerter et de susciter une mobilisation des acteurs de la santé publique à la hauteur des enjeux. IPA est l’une des organisations signataires.
Cette lettre, nous l’espérons, devrait être publiée en tant que tribune dans un journal national, et est partagée plus largement dans nos réseaux.
« La Société Française d’Allergologie (SFA) suggère de donner 10 ml de “lait 1er âge”, chaque jour, aux nouveau-nés allaités à risque atopique (c’est-à-dire aux bébés ayant des antécédents familiaux d’allergie). Cette récente recommandation s’applique dès la première semaine de vie, et ce jusqu’à la diversification (1,2). Ainsi, cette introduction de lait industriel servirait, selon la SFA, à prévenir l’allergie aux protéines de lait de vache. Le “lait 1er âge”, également appelé “préparation pour nourrissons” ou PPN, contient notamment des protéines du lait de vache.
En tant qu’associations et professionnels de santé et/ou de périnatalité, nous dénonçons cette proposition qui va complètement à l’encontre des connaissances et du consensus scientifique sur la protection de la santé du nourrisson et de sa mère.
Cette recommandation de la Société Française d’Allergologie est problématique pour plusieurs raisons :
- A. Elle ignore la protection conférée par un allaitement exclusif : l’OMS, l’approche santé des 1000 jours, et l’ensemble des études scientifiques disponibles à ce jour, préconisent un allaitement exclusif d’environ 6 mois, sans introduction d’aucun autre aliment, ni liquide (3-7). L’introduction de PPN, même en petite quantité, perturbe l’allaitement exclusif. Elle est associée à des durées d’allaitement plus courtes (8-10) et compromet donc les nombreux bénéfices de l’allaitement, démontrés à court et long terme pour l’enfant et sa mère, pour la plupart d’autant plus significatifs que l’allaitement est prolongé et exclusif (effets dose-dépendants) (4-7).
- B. Elle se base sur des données scientifiques dont la qualité et la pertinence sont questionnables.
- C. Elle va à l’encontre de la priorité à l’heure actuelle : diminuer le “don” fréquent de PPN aux nouveau-nés allaités, en maternité. On sait en effet que ces compléments donnés ponctuellement aux nouveau-nés allaités sont les premiers responsables d’une sensibilisation aux protéines du lait de vache (11,12). Or, la plupart du temps, ces compléments sont dispensés sans réelle justification médicale, ce qui expose inutilement le bébé allaité à des risques d’allergie ultérieure.
- D. Elle ne reconnaît pas la classification des PPN comme des produits ultra-transformés, responsables de nombreuses maladies chroniques (13-17).
Ainsi, cette recommandation de la SFA ne prend nullement en compte l’ensemble des connaissances et des recommandations de santé publique. Au contraire, elle se base sur peu de données valides.
Notons que la recommandation des allergologues français a vu le jour avec le « soutien institutionnel d’Aimmune Therapeutics », entreprise appartenant au groupe Nestlé, lui-même connu pour ses infractions au Code de commercialisation des substituts du lait maternel adopté par l’OMS en 1981 et partiellement transcrit en droit français.
Le conflit d’intérêt est ici manifeste puisque les entreprises de « lait 1er âge » ont tout à bénéficier de cette recommandation, qui augmenterait leurs ventes. Cette collaboration entre industriels et allergies a notamment été discutée dans la prestigieuse revue du British Medical Journal en 2018 (18) : « Entre 2006 et 2016, au Royaume-Uni, les prescriptions de « laits » commercialisés et spécialisés pour les nourrissons allergiques aux protéines du lait de vache ont augmenté de près de 500 %. Pourtant, les données épidémiologiques ne donnent aucune indication d’une telle augmentation de prévalence réelle. Les liens étroits entre la recherche sponsorisée par l’industrie de « lait » aux protéines de vache et les recommandations suggérées par les allergologues soulèvent la question du “surdiagnostic induit par l’industrie” ».
En conséquence, nous attendons des pédiatres et des autres professionnels de santé qu’ils prennent clairement position face aux recommandations de la SFA et à la littérature scientifique sur le sujet.
Nous interpellons les Sociétés Savantes et les autorités de santé françaises afin que la France ne régresse pas dans la promotion et la protection de la santé de l’enfant et de la mère, notamment en ce qui concerne l’allaitement. Cette réflexion doit se faire sans l’influence des fabricants de « laits » industriels. »
(Pour consulter les références bibliographiques mentionnées dans cette lettre, consultez le fichier disponible ci-dessous)
Télécharger la lettre « Allergies Alimentaires et Protection de l’Allaitement »
Le comité de rédaction est composé de :
- Dr Dominique Leyronnas, pédiatre néonatologiste retraité, président de la CoFAM.
- Suzanne Colson, PhD, sage femme retraitée, Professeur adjointe honoraire, Canterbury Christ Church University, Membre du conseil administratif et du conseil scientifique de la CoFAM.
- Marie Courdent, IPDE retraitée, IBCLC, DIULHAM animatrice LLL France, Conseil Scientifique de la CoFAM. Chevalier de la Légion d’Honneur.
- Dr Julie Hamdan, médecin généraliste, animatrice LLL France, IBCLC, DIULHAM.
- Vanessa Lasne, consultante en lactation IBCLC, animatrice LLL France.
- Marie-Xavier Laporte, infirmière, diététicienne-nutritionniste et consultante en lactation (DIULHAM), présidente d’IPA.
- Dr Mélissa Mialon, PhD, Professeur adjointe de recherche, Trinity College Dublin & membre du Groupe d’action des professionnels de la santé contre le parrainage de l’industrie des laits infantiles (PHASFI) de l’Organisation Mondiale de la Santé.
- Britta Boutry, PhD, consultante en lactation IBCLC, coordinatrice WBTi, consultante auprès de GIFA.
- Adriano Cattaneo, épidémiologiste retraité, IBFAN Italie.
Les signataires sont :
- ACLP – Association des Consultants en Lactation Professionnels de Santé
- AFCL – Association Française des Consultants en Lactation
- CoFAm – Coordination Française pour l’Allaitement Maternel
- CREFAM – Centre de Recherche, d’Évaluation et de Formation à l’Allaitement Maternel
- FormIndep – Pour une inFormation indépendante en santé
- LLL France – La Leche League France
- IBFAN France – International Baby Food Action Network
- IHAB France – Initiative Hôpital Ami des Bébés
- IPA – Information Pour l’Allaitement
- PHAAM – Pharmacies Amies de l’allaitement Maternel
- SESAME – Sourire Et Soutien Allaitement Maternel Ensemble
- WBTi France – World Breastfeeding Trends Initiative
Nous vous invitons à vous joindre à nous et partager cette lettre dans vos propres réseaux.
Pour toute question, vous pouvez vous adresser aux contacts de correspondance de cette lettre (cf. le fichier pdf) ou solliciter le Centre de Ressources Documentaires sur l’Allaitement Maternel (CERDAM) d’IPA qui vous accompagne dans vos recherches d’informations sur l’allaitement.